Ce manuel est conçu pour initier le public aux critères essentiels d’identification de la porcelaine française du XVIIIe siècle, très prisée des connaisseurs. Il fait suite à un précédent article, paru dans notre journal, qui détaillait les marques et méthodes pour reconnaître les pièces de Sèvres. D’autres analyses seront consacrées aux manufactures majeures telles que celles de Paris, Marseille ou encore Chantilly, sans oublier les établissements royaux comme Vincennes et Saint-Cloud. Cependant, l’étude sera limitée à certaines fabriques notables en raison de l’espace restreint alloué ici.
La fabrique d’Arras (1770-1790)
Au cœur de Lille, une manufacture dirigée par un certain Boussemaert s’est distinguée dans l’art de la céramique. Rejoint par des collaborateurs talentueux comme Delahaye ainsi que les sœurs Delemer, cet atelier a su créer des œuvres en porcelaine tendre. Ces créations sont reconnaissables à leur finition qui manque de transparence et arbore un vernis plutôt terne.
Les services de table ou d’hygiène personnelle issus de cette fabrique se parent souvent d’un décor bleu appliqué sous le vernis protecteur. Toutefois, il existe également des exemplaires ornés de plusieurs couleurs vives. Une signature spécifique identifie ces objets : les initiales AR, soit séparées soit liées, apposées sur le dos des pièces en bleu ou gravées dans la matière même.
En dépit de leur originalité et de leur provenance historique, la valeur marchande des articles issus de cette production reste modeste lorsqu’ils sont proposés aux enchères, ne dépassant généralement pas quelques centaines d’euros.
La fabrique lilloise
Période initiale : 1711-1730
Au début du XVIIIe siècle, Barthélemy Dorez inaugure une ère nouvelle dans le monde de la céramique en obtenant l’exclusivité pour produire de la porcelaine douce à Lille. S’inspirant des méthodes et du style particulier de Saint-Cloud, les créations lilloises se distinguent par leur couleur blanc nacré et leur finition brillante, souvent ornées de motifs bleus cuits à haute température.
Les décorations sont composées d’éléments classiques comme des lambrequins, des palmettes ou encore des rinceaux. Ceux qui s’intéressent aux marques distinctives de ces pièces auront tôt fait de remarquer au dos certains signes distinctifs: une lettre “L” isolée ou bien deux “L” disposés en forme carrée symbolisant Lille. À certaines occasions, il est également possible d’y déceler un “D” majuscule accompagné parfois d’un “x”. Ces indices servaient probablement à identifier le fabricant et confirmer l’authenticité du produit.
Période de 1784 à 1817
En 1738, Leperre-Duclot a établi une usine spécialisée dans la création de porcelaine dure. Sous l’égide du fils héritier du roi, un symbole distinctif ornait les créations de ladite manufacture : un dauphin coiffé d’une couronne, peint soit en or soit en rouge. Malgré que ces pièces ne se distinguent pas par une qualité inégalée, elles suscitent tout de même l’intérêt des collectionneurs et atteignent souvent quelques centaines d’euros lors des enchères.
Mennecy-Villeroy (1734-1773)
Dès son origine, la fabrique de Mennecy a été chaperonnée par le duc de Villeroy. Elle s’est distinguée par ses productions aux teintes légèrement dorées, évoquant souvent l’ivoire grâce à leur clarté exceptionnelle. Les créations ornées d’or étaient peu communes et les motifs décoratifs privilégiaient en grande partie des représentations naturalistes telles que des oiseaux ou des fleurs saupoudrés de touches rosées ou violettes.
Les pièces céramiques présentent également un style inspiré par celles de St Cloud, avec notamment l’utilisation du bleu tant sous couche qu’en surface. Concernant l’authentification, les initiales D.V., référence au protecteur de la manufacture, sont généralement apposées sur chaque œuvre. Elles peuvent être accompagnées d’un signe distinctif comme une couronne ou un point-virgule et sont parfois flanquées de lettres supplémentaires ou de dates.
En matière de biscuits produits à Mennecy, ces derniers se caractérisent par une texture particulièrement raffinée et dense mais portent rarement des marques visibles. Lorsque c’est le cas, on décèle encore les lettres D.V., discrètement gravées dans la pâte.
Il est crucial toutefois d’être vigilant face à la présence croissante sur le marché artistique des contrefaçons où la marque emblématique est non pas moulée mais plutôt incisée après coup dans l’émail.
Le rayonnement et le prestige passés confèrent aujourd’hui aux objets estampillés Mennecy-Villeroy une valeur importante pour les collectionneurs passionnés qui n’hésitent pas à investir considérablement lorsqu’ils acquièrent ces trésors historiques.
Niderviller de 1765 à 1827
Les gâteaux en porcelaine fine
L’atelier de Niderviller est reconnu pour la qualité exceptionnelle de ses porcelaines, notamment ses porcelaines biscuit au blanc pur et fin. Ces œuvres d’art sont le fruit du travail d’artistes renommés tels que Lanfrey, Charles Lemire et Constant. On y trouve une variété d’objets décoratifs : des vases élégants, des pendules travaillées ainsi que toute une gamme de figurines, allant de simples statuettes à des compositions religieuses plus complexes.
Les pièces issues de cette fabrique arborent différentes marques distinctives gravées. La lettre N, l’appellation Nider. ou encore NIDERVILLER en lettres capitales peuvent être apposées sur les créations. Une autre marque emblématique inclut les initiales T.D.L., abréviation soulignant leur appartenance à la Terre de Lorraine. Il n’est pas rare non plus que ces objets soient accompagnés du nom des artisans qui ont contribué à leur création, comme Constant (ou Constans) et “Lemire père”.
La cote des biscuits de Niderviller lors des enchères se montre très variable selon la finesse et le sujet représenté par chaque pièce. Certains peuvent s’échanger pour quelques centaines d’euros tandis que d’autres atteignent plusieurs milliers, témoignant ainsi du prestige et du savoir-faire historique associé à cette manufacture française emblématique.
La vaisselle de service et les différents types de porcelaines fines
Dès le milieu du XVIIIe siècle, la manufacture de Niderviller se distingue dans la production de porcelaine dure, utilisant pour cela le kaolin provenant de Limoges. Avec l’arrivée du comte de Custine à la tête de l’établissement en 1774, la gestion est confiée à Lanfrey jusqu’en 1824.
La réputation des porcelaines de Niderviller n’est plus à faire : elles sont reconnues pour leur qualité et se composent principalement d’articles destinés au service tels que des écuelles et vases, mais aussi quelques figurines délicatement émaillées.
Sous l’égide du comte avant la Révolution française, les pièces portent une signature distincte. En effet, les créations arborent un “x” coloré souvent accompagné d’une couronne représentative du prestige de l’époque. Passé cette période révolutionnaire, le “x” peut se retrouver seul ou coiffé d’un motif solaire. Quant aux empreintes associées à Beyerlé, on reconnaît la superposition des initiales B et N avec soit une gravure soit un dessin rouge qui témoignent du travail soigné des artisans impliqués dans cette fabrique renommée.
La fabrique de porcelaine de Sceaux (1749-1795)
La célèbre fonderie de Sceaux a bénéficié, dès ses débuts, de l’appui notable d’influents protecteurs comme la duchesse du Maine puis le duc de Penthièvre. Ce dernier, illustre par sa fonction d’amiral, a laissé son empreinte sur les œuvres produites par ce lieu emblématique grâce à des marques distinctives où figurent notamment l’ancre symbolisant sa charge.
Les créations en porcelaine tendre issues de cet atelier se distinguent par une blancheur remarquable et présentent des similitudes notoires avec celles produites à Bourg-la-Reine. Le répertoire iconographique s’articule autour du thème floral, décliné en motifs polychromes ou dans des nuances subtiles de rose pourpré.
L’identification des pièces fabriquées à Sceaux peut être réalisée grâce aux marques spécifiques apposées sur celles-ci. Celles-ci incluent souvent l’encre accompagnée du nom sceau ou encore les initiales “S X”. On retrouve également les lettres “S.P” signifiant clairement Sceaux-Penthièvre ainsi que la fleur de lys entre 1749 et 1763.
Malgré leur qualité et histoire riche, ces objets sont régulièrement disponibles sur le marché et se vendent pour un montant raisonnable. Toutefois, il convient d’être vigilant car ils peuvent être confondus avec les productions similaires de Bourg-la-Reine.
Dans le même esprit :
Pour distinguer la porcelaine tendre de la porcelaine dure, il faut savoir que la première est généralement moins résistante et plus marquée par une translucidité moindre. Les experts peuvent reconnaître des pièces chinoises anciennes à travers leurs marques distinctives, souvent des cachets ou inscriptions en caractères asiatiques sous leur base. Parmi les céramiques asiatiques, celles qui revêtent le plus de valeur sont fréquemment liées à leur rareté, leur ancienneté et l’adresse artistique avec laquelle elles ont été fabriquées. Pour identifier les productions des manufactures parisiennes, il est nécessaire d’examiner les motifs, le style et surtout les marques spécifiques propres à chaque atelier historique de la capitale française.