Sous la conduite de Kubilai Khan, les Mongols, désignés sous le nom de Yuan, conquirent la Chine et renversèrent non seulement les peuplades qu’ils considéraient comme barbares mais aussi la dynastie des Song du Sud. Leur hégémonie s’étendit dès lors sur un vaste empire qui comprenait également la Mongolie ainsi que d’autres régions d’Asie centrale, et certains territoires de ce qui est aujourd’hui l’Ukraine, la Russie, l’Irak, la Turquie et l’Afghanistan.
Le règne des Yuan marqua le retour de Pékin en tant que capitale impériale. Cette époque fut caractérisée par une période de stabilité et de prospérité appelée Pax Mongolica, qui s’étira jusqu’en 1368. L’économie bénéficia grandement de cette paix : le commerce fleurissait à travers l’Empire et au-delà. Des Occidentaux explorateurs tels que Marco Polo furent attirés par cette richesse ; celui-ci demeura même auprès de Kubilai Khan pendant seize ans. Ses récits voyagèrent à travers l’Europe, éveillant une curiosité sans précédent pour cette civilisation lointaine.
Bien que leur domination n’ait été que temporaire, les Yuan apportèrent avec eux un vent d’innovation culturelle dont les effets se firent ressentir bien au-delà des frontières chinoises et longtemps après leur chute du pouvoir.
L’alphabet Phagspa
Le Grand Khan aspirait à moderniser l’alphabet mongol bien avant de conquérir le pouvoir en Chine.
Harmonisation des scripts mongols
Durant la période de la dynastie Yuan, l’administration impériale reconnaissait trois langues principales : le mongol, qui était la langue du régime en place, ainsi que le chinois et le persan.
Dans cette ère de pluralité linguistique, Kubilai Khan, un empereur visionnaire, a nourri l’aspiration d’unifier les systèmes scripturaux hétérogènes de son vaste empire. Pour mener à bien ce projet ambitieux de standardisation écrite, il s’en remit aux compétences de Drogön Chögyal Phagpa.
Ce dernier avait pour fondement sa maîtrise profonde de l’écriture tibétaine ancienne pour entreprendre ses travaux d’adaptation et d’invention scripturale. Son œuvre culmina avec l’émergence des caractères Phagspa, conçus spécialement pour être utilisés par divers peuples sous houlette mongole. Le système abouti vit le jour en 1268 après quelques années d’efforts consciencieux.
L’alphabet phagspa comme langue officielle de l’Empire
Sous le règne de Kubilai Khan, le script phagspa a été élevé au rang d’écriture officielle pour l’ensemble de son empire. Cette décision fut prise lorsque Kubilai devint l’empereur de Chine en 1271, remplaçant ainsi les caractères chinois traditionnels. Les billets de banque émis en 1287 témoignent de l’utilisation du phagspa.
Le script phagspa a eu une influence notable, et il est possible qu’il ait joué un rôle dans l’évolution de l’écriture coréenne. Toutefois, après presque un siècle et deux décennies d’usage, et avec la chute de la dynastie Yuan en 1368, le script phagspa est tombé dans l’oubli.
La rénovation de l’art pictural
Les artistes de la période Yuan ont hérité des méthodes d’encre traditionnelles mais ont su y apporter leur touche personnelle. Ils ont innové en matière de thèmes et créé une esthétique inédite.
Une toile marquée par la liberté
Éloignés du pouvoir central, les intellectuels de l’époque Yuan ont trouvé refuge à l’écart des métropoles. Cette distance forcée a été le terreau fertile pour l’éclosion d’une créativité inédite et le choix de thèmes originaux.
Quatre artistes se détachent particulièrement durant cette période : Huang Gongwang, Wu Zhen, Ni Zan et Wang Meng. Libres des contraintes officielles antérieures, ils ont exploré avec audace leur art.
Parmi eux, Wu Zhen s’est illustré avec son œuvre “Pêcheur ermite sur le lac Dongting” en 1341. Ce chef-d’œuvre est conservé au National Palace Museum de Taipei.
Le répertoire visuel s’est enrichi : les bambous, pruniers en fleurs, orchidées, chrysanthèmes et autres pins sont venus peupler les toiles. Ces éléments n’étaient pas seulement décoratifs mais porteurs d’un sens profond. Les tableaux juxtaposaient la résilience et la délicatesse naturelle, invoquant un dialogue entre force et souplesse, plénitude et vide ou encore la grandeur face à la modestie humaine.
Un style ancien
Sous les dynasties antérieures, bien que l’on ait conservé les mêmes techniques d’encrage, un vent de changement soufflait sur le style pictural. Les œuvres dégageaient une atmosphère plus épurée et la touche d’encre suggérait une certaine sécheresse. Ce renouveau rappelait les fondements de la calligraphie traditionnelle, caractérisés par des traits vifs et concis.
Au cœur de cette transformation se dressait Zhao Mengfu, dont l’œuvre “A l’unisson“, datée aux alentours de 1280 et exposée au Musée National du Palais à Taipei, incarne parfaitement ce tournant esthétique. L’artiste choisissait délibérément ce retour aux sources pour mettre en avant la pureté et la modestie dans l’art du dessin. Il cherchait ainsi à capturer avec minimalisme l’essence véritable des sujets qu’il représentait.
Ce parti pris artistique était révolutionnaire pour son temps ; il marquait une rupture avec le faste habituel pour se consacrer à un idéal de simplicité véhiculant clairement la nature intrinsèque des choses peintes.
La poterie
À l’époque des Yuans, le commerce prospère a ouvert la voie à l’introduction de nouvelles ressources comme le cobalt. Cet élément a été essentiel dans la fabrication de poteries fines destinées aux marchés étrangers.
L’identification du cobalt
Durant l’époque où les Yuan régnaient, le commerce extérieur connaissait un véritable boum. La Chine commença à importer du cobalt de ses voisins, ce qui révolutionna l’art de la céramique grâce aux motifs bleutés que ce minerai permettait de créer.
Ce précieux composé était transporté jusqu’à Jingdezhen, rebaptisée par la suite capitale mondiale de la porcelaine. Devenu illustre entre le XVe et le XVIIIe siècle, ce site a marqué l’histoire par sa production inégalée de cet art délicat.
Fabrication dédiée à l’export
Le cobalt a permis aux artisans de la période Yuan d’innover dans l’art de la porcelaine, en créant des pièces bleu et blanc qui ont marqué leur époque. Ces œuvres, souvent ornées de délicats motifs floraux et d’ornements empruntés à la culture perse, brillaient par leur esthétique raffinée.
Parmi les chefs-d’œuvre de cette époque figurent notamment les grands plats, dont certains sont aujourd’hui conservés au Palais de Topkapi à Istanbul. Ils se distinguent par leurs décors floraux en réserve sur un fond d’un bleu intense.
Bien que conçues principalement pour répondre aux goûts des marchés extérieurs comme le Moyen-Orient, ces créations céramiques ont également trouvé leur place auprès des consommateurs locaux. Les formes étaient ainsi pensées pour séduire une clientèle diversifiée, alliant fonctionnalité et beauté.
Sur des sujets connexes :
La civilisation chinoise se caractérise par ses dynasties historiques. La dynastie Tang, ayant régné de 618 à 907, est souvent considérée comme un âge d’or culturel et artistique.
Entre 1368 et 1644, la Chine était sous l’emprise de la dynastie Ming, marquée par sa richesse culturelle et son expansion territoriale.
Avant eux, les Yuan ont dirigé de 1279 à 1368, une période où la Mongolie contrôlait le pays avec Kubilai Khan à sa tête.
Finalement, la dernière des grandes dynasties impériales fut celle des Qing qui prit le pouvoir en 1644 et gouverna jusqu’en 1911, clôturant ainsi deux millénaires de règne impérial sur la Chine.